Frida

Un truc que je ne dois jamais faire, mais alors jamais, c’est poser mon cul sur une bécane pour l’essayer. Sinon, adieu veaux, vaches, cochons et éconocroques !

C’était au Salon du Tuning et de la Moto d’Avignon, en 2005. Enfin, pour ce qui est d’un Salon de la Moto, il y en avait plus sur le parc à bécanes que nous gardions (nous, la FFMC 84) que sur les stands d’exposition. Par contre, tu voulais t’acheter des T-shirts, casquettes, colliers, bagouses et autres babioles parfaitement indispensables au motard (comme des sabres japonais, par exemple), là, t’avais le choix !

Toujours est-il qu’elle trônait sur le stand du Moto-Club d’Avignon, aux côtés de quelques bécanes de légende, fort belles aussi, au demeurant. En particulier une Ducati des années 80, je crois, qui avait un joli succès.

Mais moi, c’était elle qui m’avait fait flasher. Faut dire qu’elle avait fière allure : Selle personnalisée et abaissée assortie au carénage, rétroviseurs spéciaux (R1100S), liserés décoratifs, pot Rémus, etc. Un bijou.

A force de me voir zieuter la belle, Diane m’avait convaincu de me renseigner. Par chance, une fort agréable personne en avait fait son siège qui s’avéra ne pas être comprise dans le lot mais être la compagne du proprio. Lequel était lui aussi très sympathique mais beaucoup moins agréable à regarder, tout au moins à mon goût. Bon passons.

Etait-ce bien raisonnable ? Je l’ai donc essayée (la bécane). Et je n’ai plus eu qu’une idée en tête, l’acquérir. Époustouflante, confortable, maniable malgré son poids respectable, vigoureuse, quoi d’autre ? Un feulement de fauve… 38000 bornes seulement pour un modèle de 1998. Rien que du bonheur, vous dis-je ! Il me la fallait.

Là encore, Diane n’a rien fait pour m’en dissuader. Au contraire. « La vie est trop courte » disait-elle. Alors je l’ai achetée (la bécane, suivez un peu, quoi) !

A l’époque, j’avais déjà deux autres bécanes, vendues depuis, sur le tarmac de Hurlevent : Ma bonne vieille BMW K100RS1 qui avait bien vécu et approchait les 185000 km et ma non moins bonne vieille Moto Guzzi 1000 California III à injection qui se faisait, elle, ses 120000 bornes bien tassées.

Frida 2, la K100RS1, était ma deuxième béhème en nom propre. Elle avait succédé à Frida 1, logiquement, une magnifique BMW R1100RS bleue, que j’avais possédée exactement un an, en 2000, le temps de me rendre compte que j’étais complètement incompétent pour conduire ce genre de bécanes (d’où la nécessité d’un stage AFDM) et avant qu’une saloperie de Fiat Panda de merde ne me coupe la route à Nice, m’envoyant pour 3 mois à l’hosto et ma bécane à la casse.

Frida 2, c’était aussi du costaud, question moteur (et tout le reste). 100 ch et un couple de tracteur. Moteur 16 soupapes de la K1, injection, ABS et tout et tout. Même si ça poussait fort quand il le fallait, c’était une bonne grosse bécane bien civilisée, rien à voir avec certains monstres japonais. Non, une excellente routière, confortable même pour la passagère qui ne languissait jamais d’en descendre, sauf pour pisser. Forcément ! BMW K100RS1 - Frida 2

Et on a abattu des bornes ensemble. Mais elle commençait franchement à fatiguer. Moi aussi, d’ailleurs car le seul reproche que je pouvais lui faire, c’était que la position de conduite ne soit pas réglable. Aïe, les reins.

La Calif, c’était autre chose. Sur elle aussi j’avais flashé en 2003. Faut dire qu’elle avait de la gueule et un moteur… mmmmmmaman ! Un petit bijou ce V-twin légendaire, plein de vibrations, une sonorité d’enfer et un bon coup de pied au cul dès que tu tournais la poignée. Joueur, attachant. Et confortable avec ça, la Calif. Abattre des bornes n’était pas un problème de confort mais de… fiabilité. Certes, c’était jamais des pannes graves. Mais des trucs emmerdant qui te pourrissent la journée. L’alternateur qui se fout en court-circuit dans l’ascension d’un col… Surtout, les accessoires qui se faisaient la malle à cause des vibrations, soudures ou supports cassés. Moto Guzzi 1000 California III injection - Principessa

Mais à part ça, une sacrément bonne bécane que je regrette souvent à cause du plaisir de conduire qu’elle procurait.

Malheureusement pour mes belles, il me fallait une bécane en qui je pouvais avoir confiance. Démarrer sans problème chaque matin, été comme hiver, et faire 400 ou 500 bornes sans l’appréhension de la panne merdique.

Une BMW, en somme. Et ce fut Frida, troisième du nom. BMW K1200RS - Frida 3

Une K1200RS première génération. Un fabuleux engin de plaisir à savourer à toutes les allures, sur toutes les routes. Toujours vaillante et docile. Jamais le moindre signe de mauvaise humeur.

Un pulvérisateur à permis aussi. Le genre de truc qui, si tu n’es pas assez vigilant, te le transforme en confettis avec l’aide bienveillante de la maréchaussée. D’ailleurs, j’ai viré les décalcos « Full Power » que son précédent propriétaire avait cru judicieux de lui coller sur le carénage. Qu’on aille pas croire, en plus, qu’elle est débridée. Puissance = vitesse, c’est bien connu. 130 ch en version Europe, les neuneus de la Sécurité Routière made in Frankreich aimeraient sûrement pas. C’est pas bon pour le motard français, tout ça !

J’ai viré aussi le pot Rémus, remisé au grenier, pour lui remettre son pot d’origine. Un Lafranconie. C’est pas que j’aimais pas sa sonorité, au contraire, mais essayez de traverser discrètement un village avec ce machin, vous comprendrez. D’autant que j’ai pas trouvé de marquage d’homologation dessus [1]. Même si, chez Wünderlicht, il trône royalement dans le catalogue, par les temps qui courent, mieux vaut éviter des explications pénibles. Y en a qui comprennent rien, de toute façon.

Faut dire aussi que démarrer Frida à 6 heures du mat’ sans provoquer une émeute dans le quartier, ça relevait de la mission impossible. Alors, respect pour les voisins… Et puis, le Lafranconie, plus discret, sonne vraiment bien aussi. Alors…

D’autres modifs mineures. Les demi-guidons tourisme, pour une position moins en appui. Le top-case, indispensable pour emporter mon barda. Les feux additionnels. La selle standard pour les jours de boulot afin d’économiser la selle « d’apparat ». Le support de GPS et une prise électrique supplémentaire. Et c’est tout. Pour le reste, elle est comme à sa sortie d’usine.

Certes, question moteur, on est loin du caractère fabuleux des twins (flat ou V). Rien à voir avec les modèles R ou avec Moto Guzzi. Mais, quand même, c’est une bouffeuse de bornes infatigable. Je reconnais que, à la fin d’une bonne journée de route, je suis content d’en descendre. Le confort est un peu en retrait par rapport à la Calif ou même par rapport à la R80RT (oui, j’ai eu aussi ça). Peut-être qu’avec l’âge, je glisse tout doucement du concept RS au concept RT ou GT. D’ailleurs, la prochaine en sera.

Mais on s’amuse bien ensemble et elle m’emmène partout. Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Bretagne, Alsace, Sud-Ouest, Massif Central, Drôme, Provence, Languedoc, etc. Bref, partout où il y a des routes sympas et des beaux coins à découvrir. 60000 km en 2 ans à peine. Si c’est pas un générateur à plaisir, ma Frida…

J’ai voulu la vendre, au début de cette année, pour racheter une Calif plus récente ou une RT. J’ai donc mis une annonce sur MotoMag.com. Mais j’avais des scrupules. Je l’ai mise à un prix qui ne me faisait pas craindre de la voir partir en 2 jours. Encore que les RS, c’est pas vraiment couru, en France. Mais j’étais pas prêt, en fait. Et j’ai pas eu un appel. C’était mieux comme ça. J’ai pas encore épuisé ses ressources, à ma Frida. Et plus je la regarde, plus je la trouve belle. Dur…

On n’est donc pas pressés de se séparer. Il y a encore plein de routes à découvrir ensemble pour préparer la succession.